29 Nov

Lettre à la Communauté Educative, n° 14

Lettre à la Communauté Educative n° 14, du 23 novembre 2013

Chers Parents,

Chers Membres du Personnel,

Chers Professeurs,

Chers Amis de l’Institution,

 

Il nous a semblé opportun de vous parler, à cette époque de l’année, d’un thème qui accompagne la question scolaire, à tous ses niveaux : l’Orientation. Rien de bien nouveau, certes, mais une sorte de synthèse sur notre façon de penser la question.

 

Essayons tout d’abord de poser quelques jalons définitoires. L’Orientation se construit tout au long d’une scolarité, en particulier grâce à un véritable dialogue entre l’élève, ses parents et les professeurs, sans oublier les autres acteurs : la Direction, la vie scolaire et, le cas échéant, l’internat. D’autre part, l’Orientation se fonde sur un niveau général, qui permet de projeter  progressivement ses chances de réussite dans les parcours où certaines matières prennent un relief particulier.

 

Bien que l’élève ait besoin d’être guidé dans son orientation, il n’en demeure pas moins le principal acteur. Il doit pouvoir construire et réaliser ses projets. Tourné vers l’avenir, il doit être ancré dans le présent et savoir que ce qui semble pour lui aujourd’hui évident ne le sera pas nécessairement dans le futur, et vice versa. L’orientation ne saurait enfermer le jeune dans un projet définitif.

 

A l’École, la remise individuelle des bulletins, qui rassemble l’enseignante, l’enfant et ses parents, est une occasion unique de connaître avec précision les points forts et ceux sur lesquels il est important pour l’élève d’exercer une vigilance particulière pour que le profil demeure équilibré et permette de construire les années à venir. Ainsi, dès le Primaire, nous aidons l’élève à s’évaluer afin qu’il puisse savoir ce dont  il a besoin. Lors de la remise des livrets de compétences, il est toujours surprenant de constater que d’excellents élèves n’osent dire qu’ils travaillent bien par crainte de passer pour des vaniteux.

 

Au Collège comme au Lycée, le professeur principal, parce qu’il coordonne une équipe et qu’il en recueille par conséquent les analyses – dont les différences sont parfois le reflet des paradoxes d’une personnalité en construction, intellectuelle et humaine – est sans doute celui qui peut apporter un conseil « au plus près » de la réalité de chaque enfant : sa motivation, explicite ou plus implicite, ses résultats, son travail, en termes de quantité comme de qualité, ses possibilités, par exemple son appétence pour l’abstraction ou non, son goût pour l’analyse et la mise en problématique ou non.

 

Au Post-Bac, l’étudiant affine ses choix tout au long de son cursus. L’essentiel demeure : plus on se donne, moins on choisit par défaut. L’orientation « positive » prend alors tout son sens, s’appuyant réellement sur l’autonomie du pré-adulte.

 

La hiérarchie tacite de l’enseignement – général, technologique puis professionnel – est un des vices de notre pensée franco-française, dans laquelle l’intellect est prédominant. De même, les spécialités de formation et les filières organisent un système lui-même hiérarchisé où les jeunes les moins bien informés peuvent se trouver relégués dans des formations sans perspectives professionnelles claires et motivantes. Ce n’est pas le cas à l’Institution, où cette question de l’information est très développée : forums, stages, heures de vie de classe, interventions de professionnels en classe sur  le temps du midi, etc.

 

Car tous les métiers peuvent (bien entendu à partir du moment où ils sont moralement acceptables) être sources d’épanouissement personnel et de service à l’autre. Permettez-nous d’insister : tout travail, dès lors qu’il est choisi et/ou qu’il correspond à la nature-même de celui qui l’exerce, offre des perspectives de réalisation de soi. Par conséquent, un Établissement scolaire a bien cette responsabilité grave de dire aux jeunes, sans démagogie ni cynisme, que de la qualité de leur travail et que de leur motivation dépend, en partie, leur avenir et leur épanouissement.

 

« Les gens contribuent plus efficacement aux objectifs lorsqu’ils comprennent comment leur travail contribue à la réalisation des objectifs de l’organisation et à la stratégie », écrivent deux universitaires dans un article récent de la Harvard Business Review. Appliquons cette phrase à nos chères têtes blondes… Un élève se met sérieusement à son travail scolaire lorsqu’il comprend comment son travail permet de rester libre dans les objectifs qu’il lui reste souvent à découvrir.

 

Car c’est bien là le « problème » : c’est à l’âge où la motivation connaît parfois des fluctuations multiples et complexes que la projection pour soi dans un « à venir » est rendue nécessaire. D’où la position essentielle des adultes qui doivent suggérer, à temps et à contretemps, des pistes de réflexion permettant de mieux cibler progressivement le pourquoi des études. D’où la question de la confiance, mot qui est au cœur de notre devise.

 

Pour résumer, l’Orientation n’est pas une sélection. Elle permet de se mettre progressivement en phase avec celui ou celle que l’on est vraiment – non pas celui ou celle que je voudrais que les autres croient que je suis, mais celle ou celui que je suis vraiment, au plus intime de mon être, de ma personne, de mes talents –, ce qui rend déterminant la connaissance de soi, y compris et parfois paradoxalement à des âges où les cartes sont brouillées.

 

Notre Institution a cette prétention d’être un lieu où l’on peut donner le meilleur de soi-même, afin de favoriser la connaissance de soi et, de là, s’engager progressivement dans une démarche de projet, de but qui donne à la fois motivation et cohérence. C’est tout le sens de nos réunions d’information sur l’Orientation, des rencontres individuelles Parents-Professeurs, des Conseils de classe, mais aussi de tout ce qui ne se voit pas : un travail où la Personne humaine est première, dans son unicité et ses talents propres.

 

Un éducateur écrivait : « Ne cherchez pas de cerises sur un prunier ». Tout l’art du professeur, de tout éducateur, est donc de bien distinguer le « fruit » de chacun et de chacune des élèves qui lui sont confiés, de le mettre patiemment en évidence et de le conduire, selon son génie propre, à une parfaite maturité.

 

Très chaleureusement à chacune et à chacun de vous,

 

Sœur Chantal GREFFINE, Directrice de l’Ecole

M. Jean-Dominique EUDE, Directeur de l’Institution