13 Avr

Souvenirs de Bois-Guillaume

Récemment, nous avons reçu le don de quelques anciennes photos de l’Institution. Au milieu de ces clichés, trois feuilles de papier pelure, roses, et dactylographiées. Né le 27 octobre 1882, Alexandre Marie Nicolas Prévost a été élève à l’Institution de 1890 à 1901, sous le numéro 96. Après ses années de Droit, il prit la suite de l’étude notariale paternelle, à Pavilly. À la retraite, il s’accorda le temps de fixer quelques souvenirs d’enfance, que nous avons plaisir à publier aujourd’hui sous le titre qu’il avait lui-même choisi :

« Alexandre PREVOST

Notaire Honoraire

PAVILLY

Quelques souvenirs d’un ancien élève

de l’Institution Join-Lambert

alors qu’elle fonctionnait à Boisguillaume

 

C’est en l’année 1890 que nos parents, ayant alors 4 enfants dont deux en bas âge, désirant soulager notre mère des soins et de l’éducation des deux aînés : moi, alors âgé de 7 ans et mon frère : le Chanoine Prévost qui n’avait pas encore atteint ce que l’on appelait alors l’âge de raison, nous mirent pensionnaires internes à l’Institution Join-Lambert.

Celle-ci siégeait à Boisguillaume dans un parc magnifique de plusieurs hectares, dans lequel M. l’abbé Join-Lambert et peut-être ultérieurement son neveu : Monseigneur Flavigny, avaient édifié les magnifiques bâtiments qui aujourd’hui sont affectés par la ville de Rouen à un hôpital pour le traitement des vieillards (annexe de l’hôpital Charles Nicolle).

À la toiture de l’un de ceux-ci, se trouvait un panémone dont l’action du vent agissait sur un mécanisme faisant monter l’eau puisée en terre nécessaire à tous les services de l’institution, notamment des lavabos des dortoirs.

Étant donné notre jeune âge, pendant les premières années nous ne fûmes pas soumis au régime alors assez dur des élèves, mais nous bénéficiâmes de soins particuliers. Nos connaissances étaient rudimentaires, ce qui nous valut d’être admis comme élèves de la classe de 11ème.

L’instruction des élèves des basses classes était confié à des religieuses de la Communauté d’Ernemont de Rouen.

L’une de celles-ci : la sœur Liéphard (figure-t-elle au martyrologe ?) s’occupait de l’infirmerie qui, au premier étage consistait en une pièce assez grande, équipée de 4 lits destinés à recevoir les élèves malades, à l’extrémité de laquelle se trouvait un autel auquel M. l’abbé Fouard célébrait journellement la messe, à laquelle, je crois, assistaient les religieuses.

M. l’abbé Fouard n’avait pas de fonction à exercer dans l’institution, originaire d’Elbeuf comme Monseigneur Flavigny, il résidait dans un appartement contigu à l’infirmerie.

Il avait fait un voyage en Palestine à la suite duquel il avait écrit une Vie de Jésus Christ rédigée suivant une méthode nouvelle qui fit autorité pendant de longues années.

Pour en revenir à l’infirmerie, la sœur Liéphard détenait en outre des médicaments d’usage courant et ceux prescrits, pour la santé de certains pensionnaires, des tablettes de chocolat, bonbons, bâtons de guimauve qu’elle cédait moyennant quelques sous aux élèves qui, plus ou moins souffrants, se tenaient à l’infirmerie pendant le temps des récréations. C’était un plaisir de faire un peu griller ces bâtons de guimauve sucrés au feu de bois de la cheminée et de les manger plus ou moins brûlants ; cela me paraissait excellent et succulent.

En outre des chaises, il y avait un long canapé près de la fenêtre donnant sur la cour de récréation, au-dessus duquel était accrochée une gravure de Notre Dame de la Salette, qui est restée présente à mon esprit.

La sœur infirmière préparait les petits médicaments qui étaient prescrits aux élèves pensionnaires. Au nombre de ceux-ci figuraient notamment la tasse de tilleul et l’huile de foie de morue accompagnée d’une pastille de menthe sucrée. Ces remèdes étaient descendus par un élève qui les apportait aux pensionnaires aux études du matin et du soir.

Je fus souvent chargé de ce soin, comme par la suite lorsque je fus dans les hautes classes me fut confié la charge de tirer la cloche règlementant le commencement et la fin des divers exercices.

Les punitions infligées aux élèves à l’occasion des fautes mineures qu’ils avaient commises, consistant notamment à rester appuyé contre un pilier souvent en apprenant la leçon qui n’avait pas été sue.

En récréation les élèves jouaient à divers jeux en rapport avec leur âge, et la saison. Au printemps, lorsque le temps était favorable, on jouait avec un ballon que se disputaient les camps. Ce n’était certainement pas encore les règles actuelles du foot-ball. Ce jeu avait procuré l’occasion aux grands élèves de combiner ce jeu avec la pratique des échasses sur lesquelles les amateurs divisés en deux camps se disputaient une boule de croquet. À l’usage, la plupart des amateurs étaient devenus très habiles et couraient rapidement avec ces échasses ; je crois avoir été l’un d’eux.

Un certain jour de la saison d’été on organisait différents concours de jeux. Parmi ceux-ci, une course de bicyclette sur la route de Neufchâtel qui naturellement était incomparablement plus libre qu’aujourd’hui. À ce sujet je me souviens que lors de l’une d’elles au cours de laquelle les compétiteurs devaient suivre le parcours depuis la pension jusqu’à Isneauville et retour, Jacques Daniel devenu par la suite Jacques Hebertot – mais qui ne figurait pas alors comme un élève des plus brillants – gagna cette course.

Les repas des hautes classes avaient lieu dans un grand réfectoire au milieu duquel se trouvait la table des professeurs ; celles des élèves sur les deux côtés.

Les repas se passaient en principe en silence. Sur un des côtés de ce réfectoire se trouvait une chaire dans laquelle, au déjeuner, un élève lisait le contenu de livres qui devaient intéresser les professeurs, mais auxquels les élèves ne faisaient guère attention. Au dîner, la lecture avait pour objet un sujet religieux, suivi de quelques alinéas de L’Imitation de Jésus Christ. Certains jours, notamment le dimanche, les élèves pouvaient converser entre eux.

Le régime des sorties des élèves consistait en une sortie générale par mois et une autre sortie au milieu du mois pour les élèves qui l’avaient méritée.

Pour ces sorties le trajet s’effectuait par un omnibus attelé de 2 chevaux. Pour la rentrée, on ajoutait un cheval de renfort pour monter la côte de Neufchâtel. L’arrivée, comme le départ, avait lieu place Beauvoisine. Pour les élèves qui ne résidaient pas à Rouen, un professeur les accompagnait dans le train du chemin de fer.

Autre sujet : parmi les prêtres de l’Institution, plusieurs étaient chanoines honoraires. J’admirais leur costume particulièrement le manteau bordé d’une large bande de velours rouge qu’ils arboraient à partir de la fête de la Toussaint. Avec l’aumusse qu’ils portaient sur le bras, cela leur donnait un air de grande dignité.

La chapelle fut victime d’un incendie. Je crois que, outre la toiture, la tribune où se trouvait la schola et l’orgue furent détruits, le gros œuvre n’eut pas trop à souffrir. C’était un samedi : pendant la prière que l’on y faisait chaque soir avant le coucher des élèves, je me souviens que j’avais remarqué qu’il y faisait très chaud, sans doute l’incendie s’était déjà déclaré dans les combles.

Lorsqu’il se révéla, on nous fit lever et tout le monde se précipita dans la chapelle pour déménager le mobilier, les effets religieux, etc. Puis, on tenta de combattre l’incendie avec les faibles moyens dont on disposait, évidemment insuffisants. Ce furent les pompiers de Rouen qui éteignirent cet incendie.

Le lendemain dimanche, le Supérieur leva la punition de privation de sortie aux élèves qui l’avaient méritée. »

L’entrée de l’Institution

Vue de la Maison à l’Ouest

Vue de la Maison à l’Est

Pavillon de M. le Supérieur

Grande cour d’été

Potager et pavillon de chimie

Infirmerie

Dortoir saint Jean