01 Jan

Chez nous, soyez Reine !

En ce 1er janvier, si nous fêtons le début de l’année (depuis 1564 avec Charles IX, et depuis 1582 avec le pape Grégoire XIII) par un jour férié, si nous avons pour coutume de présenter nos vœux à minuit par des souhaits de « bonne année ! » suivis d’embrassades (en temps ordinaire…), et si nous célébrons également la journée mondiale de la paix (depuis 1968 avec le pape Paul VI)… nous fêtons aussi Sainte Marie, Mère de Dieu. En effet, depuis le concile d’Éphèse en 431, l’Église vénère la Vierge Marie sous le titre de « Mère de Dieu », (Sancta Maria Dei Genitrix en latin ; en grec, Θεοτόκος, Théotokos), formule audacieuse, qui contient bien toute la dévotion mariale.

En l’honneur de Marie, le poète Paul Claudel a écrit les vers qui suivent, d’une émouvante modernité. Que cette année 2021 soit placée sous sa protection ; que Marie protège de son manteau maternel chaque élève ou étudiant, chaque famille, chaque professeur, membre du personnel ou bénévole.

 

*

 

Il est midi. Je vois l’église ouverte. Il faut entrer.

Mère de Jésus-Christ, je ne viens pas prier.

 

Je n’ai rien à offrir et rien à demander.

Je viens seulement, Mère, pour vous regarder.

 

Vous regarder, pleurer de bonheur, savoir cela

Que je suis votre fils et que vous êtes là.

 

Rien que pour un moment pendant que tout s’arrête.

Midi !

Être avec vous, Marie, en ce lieu où vous êtes.

 

Ne rien dire, regarder votre visage,

Laisser le cœur chanter dans son propre langage,

 

Ne rien dire, mais seulement chanter parce qu’on a le cœur trop plein,

Comme le merle qui suit son idée en ces espèces de couplets soudains.

 

Parce que vous êtes belle, parce que vous êtes immaculée,

La femme dans la Grâce enfin restituée,

 

La créature dans son honneur premier et dans son épanouissement final,

Telle qu’elle est sortie de Dieu au matin de sa splendeur originale.

 

Intacte ineffablement parce que vous êtes la Mère de Jésus-Christ,

Qui est la vérité entre vos bras, et la seule espérance et le seul fruit.

 

Parce que vous êtes la femme, l’Eden de l’ancienne tendresse oubliée,

Dont le regard trouve le cœur tout à coup et fait jaillir les larmes accumulées,

 

Parce que vous m’avez sauvé, parce que vous avez sauvé la France,

Parce qu’elle aussi, comme moi, pour vous fut cette chose à laquelle on pense,

 

Parce qu’à l’heure où tout craquait, c’est alors que vous êtes intervenue,

Parce que vous avez sauvé la France une fois de plus,

 

Parce qu’il est midi, parce que nous sommes en ce jour d’aujourd’hui,

Parce que vous êtes là pour toujours, simplement parce que vous êtes Marie, simplement parce que vous existez,

 

Mère de Jésus-Christ, soyez remerciée !

 

Paul CLAUDEL, Œuvre poétique, Poèmes de guerre, La Pléiade, Gallimard, 1957