Homélie de Mgr Jean-Charles DESCUBES, Archevêque de Rouen, le 8 décembre 2009

Solennité de l’Immaculée Coneption de la Sainte Vierge Marie

 

La fête qui nous rassemble aujourd’hui nous conduit au cœur de la foi chrétienne.

 

Dans sa première encyclique, le pape Jean Paul II la résume ainsi : En Jésus de Nazareth, « Dieu est entré dans l’histoire de l’humanité et comme homme il est devenu son sujet, l’un des milliards tout en étant unique » (Redemptor hominis 16).

 

Les fêtes qui, à partir de Pâques, rythment notre année chrétienne, témoignent de cette foi des chrétiens : l’Annonciation, la Nativité de Jésus que nous allons célébrer à Noël, mais aussi celles de Jean-Baptiste et de Marie, la Conception de Marie enfin, une fête qui, avant d’être étendue à l’Eglise universelle,  est célébrée depuis le Haut Moyen Age à Rouen où elle est source de réjouissances au point d’être désignée à Paris comme la Fête aux Normands.

 

Le Règne de Dieu dont l’Evangile nous dit qu’il est arrivé, est l’affirmation de la proximité de Dieu : une révolution dans les conceptions religieuses de l’humanité, une révolution par laquelle nous nous distinguons des autres religions et qui nous a donné de révéler à l’humanité ses valeurs les plus fondamentales : la dignité inaliénable de toute personne, la liberté, l’égalité et la fraternité.

 

C’est en s’inscrivant dans notre histoire humaine que Dieu en a fait une histoire sainte, l’histoire de son compagnonnage avec chacun, d’une alliance vécue dans la confiance.

 

Nous faisons chaque jour l’expérience qu’être aimé rend aimable … plus aimable. La grâce rend gracieux. L’amour reçu transfigure, illumine le regard, le visage, le cœur. Il transforme en profondeur la vision que nous avons de nous-mêmes, de nos frères et de Dieu.

 

Le Dieu de la vie, le Dieu de la beauté a regardé Marie. Il l’a aimée. Elle est pleine de grâce. C’est ce même amour qu’il a pour l’ensemble de l’humanité.

 

A l’Annonciation, Marie ne pose pas de question à l’ange Gabriel. Elle n’exprime pas de doute. Elle dit sa disponibilité : « Comme cela se fera-t-il ? » La réponse de l’ange renvoie à la confiance espérée. Marie en fait librement la promesse : « Que tout se passe pour moi selon ta parole. »

 

« Choisir la confiance » permet un avenir, un avenir où il est possible de se construire dans toutes les dimensions de sa personne.

 

 

Dans son discours à l’université de la Sapienza à Rome dont il était fait docteur honoris causa en mai 2003, Jean-Paul II déclarait : « Au cours des années de mon service pastoral de l’Eglise, j’ai considéré qu’il appartenait à mon ministère de réserver une large place à l’affirmation des droits de l’homme en raison du lien étroit qu’ils possèdent avec deux points fondamentaux de la morale chrétienne : la dignité de la personne et la paix. C’est Dieu, en effet, qui, créant l’homme à son image et l’appelant à être son fils adoptif, lui a conféré une dignité incomparable, et c’est Dieu qui a créé les hommes afin qu’ils vivent dans la concorde et dans la paix. » Et je ne peux pas ne pas me rappeler sans émotion ses paroles prononcées quelques vingt cinq années auparavant, le 7 juin 1979, en visitant le camp d’Auschwitz : « Comment peut-on s’étonner que le pape né sur cette terre ait consacré sa première encyclique aux droits de l’homme ? »

 

Venu d’un monde où le mensonge d’Etat piétinait la vérité des êtres, confronté aux grandes dictatures du nazisme et du communisme, inquiet des dérives d’un libéralisme économique sauvage, Jean-Paul II a vérifié dans sa propre existence la puissance de l’Evangile. Aussi, en parcourant le monde, peut-il le proposer à toutes les générations et à toutes les cultures, aux dirigeants comme aux plus faibles.

 

Quand l’homme veut être à lui-même sa seule et propre mesure, la société est sans avenir. Quand, dans la diversité de ses traditions, il accepte de s’ouvrir à plus grand que lui, les portes de la dignité et de la liberté lui sont grandes ouvertes.

 

En serrant dans ses bras un petit enfant contaminé, en pardonnant à l’auteur de l’attentat du 13 mai 1981, en prenant la défense des indiens, en se risquant pour détruire les murs et les rideaux de fer, en invitant les responsables des grandes religions à prier pour la paix, en allant à la rencontre des jeunes et en les invitant à donner sens à leur vie, en n’ignorant aucun des drames de notre temps, à travers ses 143 visites pastorales en Italie, 104 voyages dans 129 pays, ses 110 lettres encycliques, apostoliques et écrits, Jean-Paul II a pris la route de l’homme parce qu’elle est la route du Christ, parce que le Christ, le premier, l’avait empruntée.

 

En mettant votre institution sous son patronage, ne vous contentez pas de lui donner un nom, inscrivez-vous dans son exemple et son esprit.

 

 

L’Eglise considère que l’éducation est, avec la pastorale et la charité, l’une des missions que le Christ lui a donnée. Elle n’a pas manqué d’initiatives en ce domaine pour le bien des enfants, des adolescents et des jeunes, de leurs familles aussi, et pour la cause de l’Evangile.

 

En combinant participation de l’enseignement privé au service public de l’Education nationale, et reconnaissance du caractère propre et de la diversité des propositions éducatives des établissements privés, la Loi Debré, votée il y a cinquante ans, donne un cadre et des moyens à l’Eglise pour remplir sa mission éducative. Son originalité est d’y associer de nombreux partenaires. Sa réussite est exactement proportionnelle à la confiance qui les unit.

 

« Les écoles chrétiennes, écrivait saint Jean Baptiste de La Salle, sont des réponses aux déficiences de la société ».

 

Aussi doit-on à chaque époque inventer, s’adapter, se réformer, mettre en œuvre de nouvelles pédagogies pour permettre à chacun de trouver sa voie, sa vocation, de s’accomplir pleinement, de s’épanouir ; la fusion de l’Institution Join Lambert, du Collège Bellefonds et de l’Ecole Beauvoisine s’inscrit dans ce projet puisque vous voulez dans ce nouvel établissement :

 

          encourager la réussite et favoriser l’excellence de chacun,

          développer la dimension humaine, spirituelle et universelle,

          conduire à vivre ensemble au sein d’une communauté éducative.

 

Mais votre projet serait incomplet, mutilé même, si la réorganisation dont nous prenons acte aujourd’hui,  devait s’accompagner d’une moindre proposition de la foi. C’est, dans le respect de la liberté de conscience mais sans renoncer à adresser une invitation ferme et explicite, que, fidèles à leur tradition et à leurs fondateurs, les établissements catholiques d’enseignement doivent se structurer. « Exposer et proposer la foi n’équivaut pas à l’imposer ». En l’absence de proposition, la liberté est finalement sans consistance ni contenu. « Loin de contraindre, l’annonce de l’Evangile suscite des libertés ».

 

« L’enseignement catholique, lit-on dans le préambule du Statut de l’enseignement catholique est un des lieux privilégiés où l’Eglise peut révéler l’homme à lui-même, lui faire découvrir le sens de son existence et l’introduire dans la vérité totale sur lui-même et son destin ». Dans sa tâche d’éducation, l’Eglise sert le dessein de Dieu sur les hommes.

 

La fête de l’immaculée Conception nous rappelle que Dieu nous a préparés patiemment, longuement même si nous nous inscrivons dans la tradition biblique, mais avec détermination, à le reconnaitre en Jésus de Nazareth, à découvrir sa proximité, et à accueillir son amour, son projet de liberté et de paix.

 

Puisse Marie intercéder pour que cette même patience et cette même détermination vous habitent et, à travers vous, méritent à l’Institution Jean-Paul II d’être digne du nom qu’elle a souhaité porter. Amen.

 

 

 

8 décembre 2009

 

Institution Jean-Paul II de Rouen